Symposium
La nouvelle typographie dans les scènes francophones : incidences et résistances
Dates et lieu
12-14 février 2026
Auditorium de la Cité internationale des Arts
18, Rue de l’Hôtel de Ville
75004 Paris
Coordination
Catherine de Smet, Université Paris 8, UR AIAC
Davide Fornari, ECAL/Ecole cantonale d’art de Lausanne (HES-SO)
Comité d’organisation
Chiara Barbieri, ECAL/École cantonale d’art de Lausanne (HES-SO)
Sara De Bondt, ECAL/École cantonale d’art de Lausanne (HES-SO)
Juanma Gomez, Université Paris 8, UR AIAC
Sébastien Morlighem, Université Paris 8, UR AIAC
Léa Panijel, ECAL/École cantonale d’art de Lausanne (HES-SO)
Sonia de Puineuf, Université Paris 8, UR AIAC
Tânia Raposo, Université Paris 8, UR AIAC
Alice Savoie, ECAL/École cantonale d’art de Lausanne (HES-SO)
Katrien Van Haute, Luca School of Arts, Gand
Thomas Huot-Marchand, Atelier National de Recherche Typographique (ANRT), Nancy
Argument
Titre d’un article de László Moholy-Nagy dans le catalogue Bauhaus de 1923, puis du livre que publie Jan Tschichold en 1928 (Die neue Typographie), l’expression “Nouvelle Typographie” désigne ce mouvement d’avant-garde qui tente d’adapter la mise en pages aux besoins de son époque. La Nouvelle Typographie est ainsi retenue par l’historiographie comme un emblème du tournant moderniste qui s’opère alors dans le champ graphique, et qui trouve après la deuxième guerre mondiale un second souffle avec une nouvelle Nouvelle typographie se confondant avec le “style suisse” ou le “style international”. Pourtant, la diffusion et la réception de ce mouvement ne s’effectuèrent pas de manière uniforme. Si les effets de celui-ci sur les scènes germanophones et anglo-saxonnes, à court ou long terme au fil du XXe siècle, ont été assez largement étudiés, les recherches relatives aux réactions qu’il suscite dans les scènes francophones – adoption, rejet ou négociation – sont plus rares. Or, les principes à la fois formels et politiques énoncés par les protagonistes de la Nouvelle Typographie, notamment par Tschichold, suscitèrent débats, adhésions et résistances, qui tous éclairent de façon originale le contexte international, des années 1920 aux années 1970.
L’objectif de ce symposium est d’élargir le périmètre de l’historiographie en examinant des territoires peu explorés : France, Belgique, Suisse romande, Québec, pays à l’époque sous domination belge ou française du Maghreb ou de l’Afrique subsaharienne. Il vise à confirmer ou infirmer les propositions communément admises (telle l’implantation tardive en France, à partir des années 1960, de la Nouvelle Typographie à travers les Suisses de Paris), à émettre des hypothèses et à ouvrir des pistes de travail.
Nous sollicitons des contributions correspondant à l’un des cinq volets suivants, et portant sur la période 1925-1980, en respectant le critère de la francophonie :
Volet général : la réaction dans les scènes francophones aux principes de la Nouvelle Typographie tels qu’ils sont présentés par Tschichold dans ses ouvrages
Volet Revues : les échos ou oppositions à la Nouvelle Typographie dans le discours théorique graphique véhiculé autant par les magazines professionnels des graphistes que par les revues d’art, d’architecture, ou plus largement culturelles.
Volet Matériels typographiques : proximité ou dialogue avec la Nouvelle Typographie dans l’activité des designers de caractères et des fonderies
Volet Grands projets : présence ou inspiration de la Nouvelle Typographie dans les expositions internationales et les larges systèmes d’identité et de signalétique.
Volet Personnes : à partir d’archives ou de témoignages vivants, regard sur la Nouvelle Typographie par ses acteurs et ses héritiers.
Programme
Jeudi 12 février 2026
9h30
Enregistrement
10h00
Introduction
Catherine de Smet, Davide Fornari
10h30Photographie publicitaire et Nouvelle Typographie
« Dans La Nouvelle Typographie de Jan Tschichold, manifeste publié en 1928, une des rares illustrations liées à la France est une publicité photographique pleine page (sans texte) tirée du Vogue français : un flacon de parfum “N’aimez que moi” de Caron. Pour ce symposium, je souhaite partir de cette image pour interroger l’hypothèse suivante : la Nouvelle Typographie française ne se trouverait-elle pas davantage dans la publicité photographique des années 1920-1930 que dans les brochures ou affiches traditionnelles ? Dans Après la typographie, j’ai tenté de montrer que la Nouvelle Typographie est à la fois un courant avant-gardiste et une rupture technologique, via l’essor de la photographie imprimée comme forme typographique à part entière. Cette thèse me semble ici pertinente. Je m’intéresserai aux photographes devenus publicitaires, comme Maurice Tabard ou Roger Par, qui explorent de nouvelles voies pour le médium. L’histoire de la photographie a déjà traité ce champ, notamment à travers Laure Albin Guillot ou Tabard (directeur de l’atelier photo de Deberny et Peignot). Je m’appuierai sur les travaux de Christian Bouqueret, critique et collectionneur, dont les archives viennent d’entrer à la Bibliothèque Kandinsky. Une enquête portera aussi sur une école de publicité active à Paris dans les années 1940 autour du photomontage, évoquée dans Typographische Monatsblätter. Je propose d’analyser ces photographies sous l’angle de l’édition, de la typographie et du graphisme, en les replaçant dans leur contexte économique, social, esthétique et technique. »
Une avant-garde française méconnue?
Victor Guégan, ESAD / École supérieure d’art et de design d’Orléans
11h00
Discussion
11h20
Pause-café
11h40Quelques opposants à la Nouvelle Typographie
« Ma communication portera sur les réactions négatives dans les scènes francophones à la Nouvelle Typographie promue par Tschichold et d’autres. Je m’intéresserai en particulier aux textes et théories du typographe français d’origine hongroise Ladislas Mandel. Dans plusieurs de ses écrits, il a exprimé une forte réticence, voire une exaspération, envers ces formes graphiques et typographies, qu’il considérait comme ayant “abouti à la négation de 2000 ans d’écriture latine”. J’expliquerai les tenants de sa pensée, sa “source idéologique” et les maîtres qui l’ont inspiré. Nous aborderons également le débat apparemment esthétique et graphique qui cache en réalité d’autres dimensions culturelles et politiques.
Charles Gautier, EBABX / École supérieure des beaux-arts de Bordeaux
- Sur le plan culturel, nous nous pencherons sur la question de la transparence, un paradigme largement invoqué entre 1925 et 1980.
- Du point de vue politique, nous discuterons des enjeux du progrès, de ses limites et de ses risques. Cela nous conduira à évoquer divers auteurs et penseurs issus de différents horizons : graphistes, théoriciens du graphisme ou encore philosophes.
Je précise que la question du rejet de la Nouvelle Typographie a fait l’objet d’un chapitre de ma thèse de doctorat intitulée ‘La graphie, l’image et le politique’ (Paris Descartes, 2018). »
12h10Des fantômes dans la machine
« Cette communication voit les incidences et résistances à la Nouvelle Typographie (NT) en Afrique francophone (1925-80) comme un processus de négociation complexe plutôt qu’une simple diffusion ou un rejet binaire. J’examine comment l’idéal de “clarté” de la NT s’est heurté aux politiques de standardisation linguistique (notamment via l’Alphabet International Africain) où les aspirations à la rationalité moderne ont dû composer avec les impératifs de la souveraineté nationale naissante et à la réalité matérielle de l’imprimé — marquée par la rareté et les limitations de l’infrastructure typographique. Cette carence a souvent dicté un pragmatisme visuel de facto distinct des dogmes de la NT. La production au sein même des métropoles de polices de caractères “exotiques” (Marocaines, Ramsès, etc.) projetait un imaginaire coloniale de l’altérité et offrait un contrepoint idéologique et esthétique en contradiction avec l’universalisme fonctionnaliste. En examinant l’interaction entre ces politiques linguistiques, les contraintes matérielles de l’imprimé et les logiques de représentation impériale, je dépeins un paysage typographique où l’idéal moderniste fut constamment négocié, adapté, ou rendu impraticable, illustrant la complexité de la circulation globale des formes et des idées en situation de pouvoir asymétrique. »
Notes sur l’impérialisme, les fonderies métropolitaines et l’imprimé en Afrique francophone coloniale et post-coloniale
Yvon Langué, ESAV / École supérieure des arts visuels, Marrakech
12h40
Discussion
13h00
Pause midi
14h30
Revues : introduction
Juanma Gomez, Sonia de Puineuf
15h00Un unicum moderniste en contexte lyonnais
« Parmi les quelques références francophones citées par Jan Tschichold dans La Nouvelle Typographie figure un livre atypique, publié en 1921 par Jean Epstein aux Editions de la Sirène sous le titre Bonjour Cinéma. Si ce titre s’intègre à un ensemble de références sur le cinéma qui permettent à Tschichold de développer une comparaison entre les médias imprimés et les médias photographiques modernes, le livre de Epstein est aussi un exemple de conception typographie d’inspiration futuriste, et un exemple précoce de photomontage. Pourtant, la couverture, la mise en page et les illustrations du livre d’Epstein sont dues à une figure assez marginale dans l’histoire du modernisme graphique : le Lyonnais Claude Dalbanne, un peintre, historien de l’imprimerie et futur conservateur de musée, proche de l’imprimeur Marius Audin. Un rapide examen de l’oeuvre peinte de Dalbanne, d’inspiration symboliste, semble situer cette figure à mille lieux de la Nouvelle Typographie. Pourtant, en 1922, Dalbanne édite le sixième numéro de la revue Causeries typographiques, revue lyonnaise dirigée et imprimée par Audin, et ce numéro s’apparente à une sorte de manifeste précoce et isolé pour une nouvelle typographie en France. Dans son texte intitulé “La typographie d’aujourd’hui”, Dalbanne cite les manifestes futuristes et prend comme exemple la conception de la revue L’Esprit nouveau, mais, plus largement, il construit les bribes d’une théorie moderniste de la typographie qui prendrait pour modèle d’abord et surtout la réclame. Je tenterai donc de retracer l’histoire cet unicum moderniste et de comprendre comment une telle proposition a pu paraître si tôt et en définitive ne connaître que peu d’écho immédiat. Je montrerai aussi que certaines propositions avancées par Dalbanne, en particulier autour du photomontage et l’influence du cinéma, seront reprises avec une grande vigueur à quelques dix ans d’écart. »
Claude Dalbanne et le n° 6 des « Causeries typographiques »
Max Bonhomme, Université de Strasbourg
15h30
Discussion
15h50
Pause-café
16h20Between Resistance and Reinvention
« Between Resistance and Reinvention: Belgian Neo-Avant-Garde Periodicals and the Refusal of Design Norms This contribution examines how Belgian neo-avant-garde periodicals from 1950 to 1990 diverge from the rationalist aesthetics and normative aspirations of the Neue Typographie, especially in its later incarnation as the International Typographic Style. While the principles laid out by Jan Tschichold and their transnational diffusion shaped corporate, institutional, and educational visual identities across Europe, the publications gathered in the Digital Archive of Belgian Neo-Avant-Garde Periodicals foreground a radically different approach to graphic design. Created by artists, writers, and activists operating outside or against institutional frameworks, these small-run magazines – such as De Tafelronde, Anar, Labris, and Force Mental – privilege experimentation, immediacy, and ambiguity over legibility, hierarchy, and grid-based rationality. Typography in these publications is not a vehicle of neutral communication but a site of visual and political agitation. Their DIY production methods, use of typewriting, mimeograph machine, hand-lettering, collage, and irregular layout techniques deliberately break with the typographic orderliness associated with corporate modernism. By situating these periodicals within a broader field of graphic production, this presentation highlights how artists and writers in Belgium renegotiated typographic norms to articulate a critique of consumer society, institutional art, and typographic authority itself. In doing so, they expand the typographic canon and assert a counter-history in which design becomes a tool of contestation rather than conformity. This case study contributes to the thematic area “Revues: diffusion des idées et des images”. »
Belgian Neo-Avant-Garde Periodicals and the Refusal of Design Norms
Thomas Crombez, KASK / Koninklijke Academie voor Schone Kunsten van Antwerpen
16h50La nouvelle typographie dans les revues d’architecture françaises de l’entre-deux-guerres : résistances et acculturations.
« Mon intervention soulèvera quelques questions relatives à la réception de la “nouvelle typographie” dans les revues d’architecture actives en France dans les années 1930. L’historiographie a généralement qualifié L ’Architecture d’aujourd’hui de revue “novatrice” sur la scène architecturale française, mais sa forme graphique, effectivement singulière parmi celles des revues françaises d’architecture de l’entre-deux-guerres, marquées pour la plupart par la tradition du livre et, pour certaines comme L’Architecture vivante, par un certain retour à l’ordre, a été rarement examinée. Au-delà de quelques parentés de la forme matérielle de cette revue (connue comme la “revue à la spirale”) avec l’esthétique de l’UAM, ma contribution s’efforcera d’évaluer en quelle mesure, avant la Seconde Guerre mondiale, L’Architecture d’aujourd’hui importe et intègre quelques procédés graphiques venus de la “nouvelle typographie”, sans nécessairement innover elle-même. Elle illustrera les évolutions de sa forme, depuis son premier numéro en 1930, qui proposait quelques expérimentations assez proches de celles de revues allemandes contemporaines, assez rapidement abandonnées au profit d’une page plus blanche et plus statique. Cette intervention tentera également d’identifier les nombreux facteurs culturels qui, dans l’entre-deux-guerres, ont entrainé une forme de résistance à la réception de la typographie fonctionnaliste dans les revues françaises d’architecture. Elle procédera également à quelques comparaisons avec des revues italiennes et belges, plus proches de la typographie fonctionnaliste. Enfin, elle proposera une ouverture sur les décennies d’après la Seconde Guerre mondiale, en mettant L’Architecture d’aujourd’hui en perspective avec deux revues crées par André Bloc : Art d’Aujourd’hui et Aujourd’hui : Art et architecture. »
Hélène Jannière, Université Rennes 2
17h20
Discussion
17h45Des projections en réseau
« WIP »
La grille typographique dans la multivision des années 1950-1970
Olivier Lugon, Université de Lausanne
18h15
Questions
18h30
Fin de la première journée
Vendredi 13 février 2026
9h30
Enregistrement
10h00
Matériels typographiques : introduction
Tânia Raposo, Alice Savoie
10h30Les créations typographiques d’Albert Boton
« Le graphiste et créateur de caractère Albert Boton (1932-2023) fut une figure importante de la scène typographique française de la deuxième partie du XXe siècle. Collaborateur de la fonderie parisienne Deberny & Peignot dans les années 1950, puis du Studio Hollenstein, il fut un créateur de caractères prolifique. Il joue un rôle déterminant dans la conception du Brasilia, initié par le Suisse Albert Hollenstein, et signe lui-même plusieurs caractères emblématiques, dont l’Eras. Son oeuvre, affranchie des dogmes, porte l’empreinte de la Nouvelle Typographie et du modernisme, tout en révélant une sensibilité pour la gestualité chère à Maximilien Vox et à sa vision d’une “Graphie latine”.
Olivier Nineuil, Typofacto Paris
Dans cette conférence, Olivier Nineuil explorera les influences qui traversent le travail de Boton et mettra en lumière le rôle central de sa pratique photographique dans son processus de création. L’intervention s’appuie sur les archives personnelles du typographe ainsi que sur une série d’entretiens inédits menés au fil des années, à l’origine d’un ouvrage en deux volumes à paraître prochainement. »
11h00
Discussion
11h20
Pause-café
11h40The Letterforms of Others
« As one of the leading voices of the New Typography movement in Germany, Jan Tschichold offered a brief yet telling reflection on ‘Newer Typography in France’ in an illustrated article published in Die Form in 1931. Rather than addressing book typography, Tschichold’s attention is confined to two letterheads (one of them is a type specimen) and, notably, to A. M. Cassandre’s display type Bifur, released by Deberny & Peignot two years earlier. In his review of ‘witty and surprising’ Bifur he also uses the occasion to deliver a pointed critique: ‘It would be good if some German type foundries could show a bit of the courage of this French foundry to create more substantial letterforms than the common, usually inferior repetitions of old and new typefaces’. Was this criticism directed at specific type foundries or typefaces? What was the nature of Tschichold’s relationships with type manufacturers in both France and Germany? How was the New Typography movement, as practiced ‘on the other side’, received and discussed within each national context? In evaluating whether Tschichold’s critique was justified, this talk undertakes a close analysis of his 1931 review, situating it within the broader discourse surrounding New Typography in both countries. It examines how this discourse was shaped by external perceptions as documented in journals and periodicals, and considers a selection of typefaces issued by German and French type foundries during this period. The talk also reflects on Tschichold’s own attempts at type design up to 1931. »
Discourse in New Typography between France and Germany
Ferdinand Ulrich, FH / Fachhochschule Salzburg
12h10Contre les linéales
« Dans les revues professionnelles françaises des années 1950 et 1960, les caractères sans empattements (dits “linéales”) suscitent un rejet quasi systématique. À l’opposé de l’engouement helvétique et germanique pour les sans empattements géométriques, perçus comme l’emblème d’une typographie moderne, fonctionnelle et universelle, les cercles liés à la Graphie Latine — notamment autour de l’École de Lure — défendent une autre vision : celle d’une typographie fondée sur la lisibilité, la tradition humaniste et les modèles classiques. À partir d’articles parus dans des revues professionnelles telles que Caractère et Le Courrier Graphique, la présentation mettra en lumière les arguments de figures telles que Maximilien Vox, Raymond Gid, Fernand Baudin ou José Mendoza, qui dénoncent l’aspect impersonnel, monotone et prétendument illisible des linéales. Derrière cette critique se profile un positionnement idéologique fort : le refus de la suprématie nord-européenne, la valorisation d’une identité typographique “latine”, et la volonté de réaffirmer le rôle culturel du livre face à la dérive publicitaire. Loin d’un simple débat formel, la polémique devient un champ de résistance à une modernité perçue comme technocratique. Le combat contre les linéales s’inscrit ainsi dans une quête d’une typographie “ordinaire” mais exigeante, lisible mais élégante, enracinée dans une histoire nationale française et un idéal de clarté. C’est dans les revues, lieux d’échange et d’influence entre praticiens, théoriciens et industriels, que cette bataille trouve sa plus forte expression. »
Manuel Sesma, Universidad Complutense de Madrid
12h40
Discussion
13h00
Pause midi
14h30
Grands Projets : introduction
Sara De Bondt, Léa Panijel
15h00Modernisme graphique au Canada
« WIP »
Convergences et contrastes
Louise Paradis, UQAM / Université du Québec à Montréal
15h30
Discussion
15h50
Pause-café
16h20
La typographie en façade
« Soutenir que les scènes graphiques francophones furent tributaires de Jan Tschichold (1902-1972) et de sa Nouvelle Typographie n’a rien d’évident. Des chercheurs comme Roxane Jubert ont souligné que “les arts graphiques et la typographie du Bauhaus, et a fortiori la Nouvelle Typographie, ne semblent pas avoir trouvé un véritable écho en France”. En effet, le domaine d’action des graphistes français se concentrait davantage sur l’affiche illustrée que sur la typographie au sens strict. Cette communication entend pourtant nuancer cette idée reçue, en montrant que les principes de la Nouvelle Typographie ont non seulement pénétré les scènes graphiques en France et en Belgique, mais ont aussi émergé dans un domaine inattendu : l’espace urbain, et plus particulièrement dans les façades d’architectures lumineuses. Ces façades typographiques peuvent être comprises comme des “affiches pétrifiées”: des compositions de lettres lumineuses et de surfaces sombres et claires (jeux d’ombre et de lumière rappelant le contraste du noir et blanc sur papier) qui reprennent à leur manière les logiques de composition modernistes, tout en contournant le modèle du typo-photo promu par Tschichold. Le vecteur principal de ce transfert de savoirs fut sans doute l’Union des Artistes Modernes (U.A.M.), qui rassemblait à Paris architectes, graphistes, peintres, photographes, décorateurs, créateurs de meubles, bijoutiers, typographes, etc. Jan Tschichold exposa à deux reprises aux expositions internationales annuelles de l’U.A.M., en 1931 et 1932. On y retrouve également des acteurs belges comme l’architecte Victor Bourgeois. C’est dans ces croisements franco-belges, au cœur de l’U.A.M., que l’esprit de la Nouvelle Typographie semble avoir trouvé un terrain fertile, non seulement sur papier, mais aussi dans la ville, en lettres de lumière. »
La Nouvelle Typographie dans l’architecture lumineuse en France et en Belgique
Ruth Hommelen, ENSAPL / École nationale supérieure d’architecture et de paysage de Lille
16h50La mise en scène du modèle suisse dans l’exposition La Suisse présente la Suisse
« Du 26 novembre 1971 au 29 février 1972, l’exposition La Suisse présente la Suisse inaugurait un nouveau chapitre dans les relations culturelles suisses avec le Sénégal. Cette exposition placée sous l’égide de Pro Helvetia, la fondation de soutien à la culture de la Confédération suisse, se déroulait au Musée dynamique de Dakar. Regroupant un millier d’objets, des films et une scénographie spécifique, La Suisse présente la Suisse ouvre des perspectives originales en matière de design graphique et de théorie postcoloniale. À ce titre, cet article montre comment cette exposition peut être envisagée comme un modèle de “propagande douce” (soft power) orchestré par et pour la diplomatie culturelle et politique suisse, ainsi que certains secteurs industriels, dans le but de communiquer l’attractivité du modèle suisse dans le contexte de l’Afrique subsaharienne. Produite dans une période où la menace du communisme et de nouvelles questions migratoires et raciales préoccupaient l’opinion publique, La Suisse présente la Suisse témoigne comment l’exceptionnalisme et la neutralité présumée du système helvétique devaient être communiqués auprès des élites des pays “sous-développés” au début des années 1970. Dans cette communication, nous postulons que le système de représentation de l’exposition, à travers des choix conceptuels, scénographique et graphiques, incarne un type particulier de “cercle démocratique” (Turner 2015) qui, aujourd’hui, est perceptible dans la rhétorique populiste à propos des politiques migratoires ou certains stéréotypes associés aux personnes noires en Suisse. »
Joël Vacheron, ECAL / École cantonale d’art de Lausanne (HES-SO)
17h20
Discussion
17h45
Fin de la deuxième journée
Samedi 14 février 2026
9h30
Enregistrement
10h00
Personnes : introduction
Chiara Barbieri, Sébastien Morlighem
10h30Le Studio Hollenstein
« Cette présentation examine, à travers une approche transnationale et l’analyse de sources primaires, d’archives et d’entretiens, le rôle encore peu étudié du Studio Hollenstein (1957-1974) dans la diffusion des principes modernistes à Paris après la Seconde Guerre mondiale. En replaçant le développement du Studio Hollenstein et sa trajectoire dans le contexte plus large de la professionnalisation du graphisme à Paris, elle se concentre sur les pratiques quotidiennes du studio et la construction de son identité. Le Studio Hollenstein apparaît comme un espace où les identités — à la fois nationales et professionnelles — se construisent, se négocient et se performent, soulignant la complexité des processus par lesquels le modernisme est adapté et approprié au sein d’un champ professionnel en pleine structuration, marqué par des dynamiques internationales. Par ailleurs, cette présentation montre que les principes modernistes dépassent largement le cadre d’un simple vocabulaire formel ou d’une esthétique canonique, s’incarnant aussi dans des pratiques organisationnelles et des dispositifs discursifs qui jouent un rôle actif dans la diffusion de ces principes. »
Constance Delamadeleine, HES-SO / Haute École spécialisée de Suisse Occidentale
11h00
Discussion
11h20
Pause-café
11h40Pierre Faucheux, nouveau typographe ?
« Actif dans la typographie et le design éditorial, Pierre Faucheux (1924-1999) incarne, à l’instar de la “Nouvelle Typographie” en Europe au XXe siècle, une figure marquante du design graphique français de l’après-guerre. Cette reconnaissance a parfois éclipsé les détails d’une pratique innovante, nourrie d’une fine connaissance de l’histoire de la typographie. Connu surtout pour son travail aux “livres-Club” et ses collaborations avec de nombreuses maisons d’édition (Le Seuil, Galilée, Albin Michel, Pauvert, La Librairie générale française…), Faucheux a aussi esquissé une pratique de l’architecture et de l’aménagement d’espaces, encore trop peu étudiée. Se qualifiant d’ “architecte du livre”, il aborde cet objet avec une approche qui, tout en semblant expérimentale dans certains choix formels, notamment au Club Français du Livre, reste celle d’un nouveau traditionaliste. L’expression décrit, au Royaume-Uni, des typographes comme Bruce Rogers ou Stanley Morison connus pour leurs études approfondies et renouvelées des règles de la typographique classique. Est-ce à dire que Faucheux ne fut jamais un typographe moderniste, sensible ou sensibilisé à la Nouvelle Typographie et plus largement au “Style International” ? Ce serait simplifier à l’excès l’opposition entre tradition et modernisme. Mieux vaut dire que Faucheux fut, ce sera notre hypothèse, un interprète “cavalier” des principes de la Nouvelle Typographie – pour reprendre le titre français d’un article critique de Jan Tschichold publié en 1961. Amoureux des tracés régulateurs et de l’architecture de la page, rigoureux quant à l’usage du document photographique plutôt que de l’illustration, proche à la fois de Le Corbusier et d’André Breton, Faucheux incarne une approche libre, guidée par l’histoire du livre et une lecture approfondie des espaces. »
Catherine Guiral de Trenqualye, ESAM / École supérieure d’arts & médias Caen/Cherbourg
12h10Women and the New Typography in Belgium: Voices, Practices and Silences
« Drawing from the exhibition Untold Stories. Women Designers in Belgium 1880–1980 (Design Museum Brussels), curated along with Katarina Serulus and Marjan Sterckx, this lecture examines the different meanings of typography for women graphic designers in Belgium between 1925 and 1980. The narrative of “New Typography”, often dominated by male figures and international modernist centers, rarely considers how women engaged with typographic design across education, publishing and activism. Long before entering art schools, many women encountered typography through embroidery samplers produced at school. These exercises combined decorative stitching with abecedaries and monograms, cultivating patience, discipline and virtue according to gendered pedagogical ideals. Yet, unintentionally, they also introduced compositional and typographic principles, such as letter spacing, rhythm and alignment. Women trained at progressive institutions such as La Cambre adopted modernist design languages inspired by the New Typography. Hélène Denis-Bohy, for instance, used bold typography and clear layouts not only as formal experiments but as instruments for feminist self-expression. After the Second World War, figures such as Hélène Van Coppenolle and Jacqueline Ost advanced design education and publishing, shaping visual literacy in Belgium’s postwar reconstruction.
Javier Gimeno Martínez, Vrije Universiteit Amsterdam
By the 1970s, collectives like Liever Heks and Dolle Mina redefined typography and poster design as vehicles for activism, irony and social critique. Their hand-drawn lettering and spontaneous layouts broke away from the rationalist canon of modernism, reclaiming visual communication as a site of resistance and solidarity. This lecture reconsiders the New Typography not only as a stylistic or technical revolution but as a space where gender, pedagogy and politics intersected. Through the lens of women’s experiences in Belgium, it reveals how design became both a discipline of control and a means of emancipation. »
12h40
Discussion
13h00
Pause midi
14h30
Le design graphique en Suisse et en France : regards croisés
Rudi Meyer et Etienne Robial en conversation
modérés par Sébastien Morlighem
15h30
Discussion et questions
15h45
Pause-café
16h15
Le design graphique en Suisse romande
Flavia Cocchi et Werner Jeker en conversation
modérés par Chiara Barbieri
17h15
Discussion et questions
17h30
Clôture du symposium
18h00
Apéritif